Pénurie de personnel en pharmacie : comment y remédier ?
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Crise des vocations, difficulté à fidéliser, fatigue des équipes en place… La pharmacie d’officine a mal à ses ressources humaines. Un paradoxe alors que les métiers de pharmacien et de préparateur, de plus en plus polyvalents et tournés vers le patient, ont de quoi susciter un intérêt grandissant. Les facteurs expliquant cette désaffection sont multiples, tout comme les propositions pour redorer l’attractivité de la filière. Tour d’horizon des initiatives qui redonnent de l’optimisme pour pallier la pénurie de personnel en pharmacie.
Comme la pénurie chronique de médicaments, la pénurie de personnel pèse sur les officines depuis trop longtemps. L’enquête de Pôle Emploi sur les besoins de main d’œuvre en 2023 plaçait les pharmaciens au 2e rang des professions qui ont le plus de mal à recruter, et plus de 80% des officines déclaraient connaître des difficultés de recrutement en début d’année. Avec des besoins de santé qui augmentent, ces chiffres inquiètent. Mi-2023, l’Ordre des pharmaciens s’alarmait de la baisse des pharmaciens primo inscrits, 2 337 en 2022, soit 205 de moins que l’année précédente : « Si [cette tendance] se poursuit, la part des 25-30 ans ne parviendra pas à compenser les futurs départs à la retraite ». Autre indicateur : depuis 2021, 1660 places n’ont pas été pourvues en 2e année de pharmacie, soit environ 15% des capacités d’accueil, relevait L’Étudiant fin septembre 2023.
A qui ou plutôt à quoi la faute ?
Régulièrement, les représentants de la profession mettent en cause la réforme 2020 des études de santé (PASS/L.AS) et le peu de visibilité donnée aux études de pharmacie sur Parcoursup. Auprès des jeunes mais aussi de leurs aînés, le pharmacien d’officine souffre encore de l’image de « vendeur de boîte » et autres poncifs véhiculés par des fictions télévisées comme Scènes de ménages. Des caricatures loin de refléter les dimensions clinique, technologique et managériale de l’officine du XXIe siècle. Au-delà de cette méconnaissance, les pharmaciens interrogés par la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) identifient trois principales raisons à la pénurie de personnel :
- Les conséquences de la COVID-19 (moins de candidats, prétentions salariales plus élevées…) ;
- Le délicat équilibre entre travail à l’officine et vie personnelle ;
- Des salaires insuffisamment attractifs et des perspectives de carrières limitées.
Alors, quelles solutions face à la pénurie de personnel en pharmacie ?
Les acteurs de la branche ne sont pas en reste pour trouver des solutions. Ainsi l’Ordre des Pharmaciens déploie depuis 2023 une feuille de route « attractivité » autour de deux axes. Le premier vise à modéliser les tendances de la démographie pharmaceutique à l’horizon 2050 et anticiper l’impact des évolutions à venir. L’autre consiste à améliorer l’attractivité de la profession, en portant devant les autorités compétentes des propositions telles que la reconnaissance des pharmaciens diplômés à l’étranger, l’adaptation de la 1ère année d’accès aux études de santé et la réforme du 3e cycle. L’Ordre entend également développer des actions de communication sur les métiers de la pharmacie auprès du grand public.
Sans attendre le fruit de ces actions collégiales, les titulaires ont d’ores et déjà à leur disposition des solutions pragmatiques à envisager face à cette pénurie de personnel officinal. L’enjeu : sortir la tête de l’eau, en finir avec les semaines de 70 heures et les longs tunnels sans congés – situations encore trop fréquentes, par impossibilité de trouver adjoints, remplaçants ou préparateurs. Outre le recours aux plateformes d’emploi spécialisées, les dirigeants d’officine peuvent ainsi explorer diverses mesures, telles que :
Solution 1 : le recours au remplacement
Le recours au remplacement : utilisé dans de nombreux secteurs, le travail temporaire peut apporter un soulagement notable à des équipes officinales en surcharge. Des sociétés comme 24/7 services, spécialisée dans le remplacement en pharmacie partout en France, proposent les services de pharmaciens, étudiants, préparateurs ou rayonnistes remplaçants.
Solution 2 : le développement de l’alternance
Sous forme de contrats d’apprentissage (formation initiale) ou de professionnalisation (formation continue). Bien qu’en formation, l’apprenti préparateur est un véritable salarié de l’officine. Pour postuler, il devra avoir entre 16 et 29 ans révolus. Il ou elle alternera les périodes de formation théorique dans son centre formateur et les périodes de travail dans votre officine. La durée d’un contrat d’apprentissage est de 2 ans, avec une période d’essai de 45 jours. N’hésitez pas à vous rapprocher du Centre de formation d’apprentis (CFA) de votre région pour plus d’informations.
Solution 3 : le réaménagement des horaires d’ouverture
Ne serait-ce que temporairement. Cette solution s’impose parfois pour éviter le burn-out. En septembre 2022, près de la moitié des pharmaciens envisageaient une réduction des horaires d’ouverture en raison du manque de personnel. Comme l’attestent des témoignages dans les médias, certains ont effectivement pris la décision de réduire l’amplitude horaire et/ou de fermer le samedi après-midi, voire pour certains une journée dans la semaine.
Solution 4 : la mutualisation ou l’externalisation de tâches administratives
Ce n’est pas un hasard si 94% des pharmaciens adhèrent à un groupement. Cela permet de déléguer et mutualiser certaines tâches comme la gestion des achats, tout en bénéficiant de conditions commerciales plus avantageuses et d’aides au développement de l’activité officinale. Il est également possible de faire appel à des entreprises externes notamment pour la gestion du tiers payant et des rejets.
Solution 5 : la création de nouveaux métiers
Cela a le vent en poupe, pour rendre du temps de comptoir aux pharmaciens débordés sur le front du “back-office” (30 à 60 % du temps de travail pour la moitié des titulaires). Plutôt que d’emboliser le quotidien de leurs trop rares pharmaciens et préparateurs, de plus en plus de dirigeants d’officine choisissent de recruter et former des secrétaires, des chefs de rayons, des logisticiens ou encore des acheteurs – profils souvent inspirés voire issus du monde de la grande distribution.
Solution 6 : l’organisation du temps de travail adaptée
Les entreprises de petite taille comme les pharmacies d’officine ont également la possibilité de conclure des accords sur l’organisation du temps de travail : semaine de 4 jours, travail à temps partiel… Tout effort du manager visant un meilleur équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle de ses salariés pourra contribuer à motiver et fidéliser les nouvelles recrues.
Solution 7 : le travail sur la posture managériale et la vision
La localisation de l’officine, l’intitulé du poste et le salaire ne sont pas les seuls critères de choix pour les candidats, de plus en plus courtisés en période de pénurie de personnel en pharmacie. Proposer une vision motivante du travail officinal permet de se différencier en tant qu’employeur, surtout auprès des jeunes générations en quête de sens. Chaque titulaire donnera à son projet d’entreprise un ADN unique, teinté par exemple d’écoresponsabilité (gammes vertes, économies d’énergie…), d’innovation technologique (logiciels performants et ergonomiques, robots aidant aux tâches répétitives…), d’accent mis sur la relation patient, ou encore d’évolutions de carrière, notamment en lien avec les nouvelles missions ou des protocoles de soins spécifiques.
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