Mon espace santé : un gain de transparence pour toute l’équipe officinale
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En un an, près de 8 millions d’usagers ont activé « Mon espace santé » – volet clé du Ségur du numérique – qui héberge leur profil et leur dossier médical, une messagerie sécurisée et un catalogue d’applications auxquels s’ajoutera bientôt un agenda. Pour l’équipe officinale, c’est l’outil incontournable pour participer à la gestion coordonnée des parcours de santé. Explications de Claire Vigier et Xavier Vitry, directeurs de projets à la Délégation ministérielle au numérique en santé (DNS).
Mon espace santé est avant tout le carnet de santé numérique du patient. En quoi concerne-t-il aussi les pharmaciens ?
C. Vigier : Mon espace santé apporte au patient une solution ergonomique pour accéder à tous ses documents de santé et mieux gérer son parcours de soin. Côté professionnel de santé, cet outil rend accessible toutes les informations utiles à la prise en charge du patient, directement à partir de son logiciel métier, sans avoir à jongler entre différents outils. Pour le pharmacien, cette intégration au Logiciel de Gestion d’Officine (LGO) est bien engagée et sera encore plus complète avec la vague 2 du Ségur à l’horizon de fin 2024. Mon espace santé n’est pas reparti de zéro mais continue de s’appuyer sur le socle technique du Dossier Médical Partagé historique (DMP), tout en ajoutant des strates de services qui remettent l’usager au cœur de la gestion de santé. Le DMP devient le dossier médical de Mon espace santé, que les professionnels de santé peuvent consulter et alimenter.
X. Vitry : C’est une boucle de qualité. Une même information partagée et fiable pour répondre aux finalités de chaque acteur. Prenons l’exemple de l’ordonnance numérique. Le prescripteur génère son ordonnance et l’envoie, d’un seul clic, d’une part vers le serveur de l’Assurance maladie pour la gestion du remboursement, d’autre part vers le dossier médical de Mon espace santé, à des fins d’information du patient et des autres professionnels de santé. Et si le pharmacien modifie l’ordonnance, le médecin en est informé.
Le Dossier Pharmaceutique (DP) est-il raccordé à Mon espace santé ?
X.Vitry : Pour être effective, la connexion entre le DMP et le DP demande encore des évolutions, sur lesquelles travaille l’Ordre des pharmaciens. Il faudra notamment que le DP soit en conformité avec le format européen de dispensation, et en mesure d’utiliser l’Identité Nationale de Santé (INS). Tout cela va s’aligner progressivement. Au final, le pharmacien pourra accéder de la façon la plus native possible depuis son LGO à tout ce qu’il doit savoir sur le patient, que ces informations soient hébergées sur le dossier médical, le DP ou des applications spécifiques, et en naviguant de façon fluide grâce à l’identification unique par Pro Santé Connect.
Que gagne l’équipe officinale à consulter et alimenter le dossier médical de Mon espace santé ?
C.Vigier : L’enjeu est de faciliter la coordination et la prise de décision adaptée, en donnant un accès rapide à l’historique de soins, aux traitements en cours ou récents… Un autre bénéfice est le gain de temps. Grâce à la messagerie sécurisée, les pharmaciens pourront recevoir les ordonnances numérisées versées par un prescripteur dans Mon espace santé puis envoyées par le patient*, de façon bien plus sûre qu’aujourd’hui. C’est aussi le moyen de recevoir les ordonnances plus en amont et de pouvoir préparer certaines dispensations complexes, pour les résidents d’Ehpad notamment.
X.Vitry : Accéder numériquement au dossier médical du patient via Mon espace santé, représente un gain majeur de transparence et de fluidité dans l’échange d’information pour le pharmacien, en tant que professionnel de santé participant à la coordination des soins. Concrètement, chaque mois, ce sont 300 à 400 000 ordonnances de sortie hospitalière et lettres de liaison qui arrivent dans Mon espace santé, et que le pharmacien n’a plus à réclamer auprès de l’hôpital. Les ordonnances du patient ne risquent plus d’être perdues, puisqu’elles sont stockées dans son espace santé.
Le pharmacien peut dès à présent consulter le dossier médical des patients qui l’y autorisent, en se connectant via le web depuis l’adresse suivante : https://www.dmp.fr/web/dmp/ps. Dès la vague 2 du Ségur, cette consultation sera possible directement depuis le LGO et s’étendra aussi aux résultats biologiques. Autre cas d’usage : un pharmacien équipé d’un LGO référencé Ségur peut d’ores et déjà déposer sur l’espace santé du patient les bilans partagés de médication, les comptes rendus d’entretiens pharmaceutiques et les notes de vaccination et ainsi les rendre accessibles aux autres professionnels de santé. Bientôt, il pourra consulter l’état vaccinal du patient, lui notifier les rappels à effectuer voire proposer de les administrer.
*Un usager pourra envoyer une ordonnance numérisée par messagerie sécurisée à une officine ; à condition : 1/ qu’il ait déjà visité cette officine ; 2/ que l’officine dispose d’une boîte organisationnelle.
« Accéder numériquement au dossier médical du patient via Mon espace santé, représente un gain majeur de transparence et de fluidité dans l’échange d’information pour le pharmacien. »
Xavier Vitry
Comment les pharmaciens et les préparateurs accèdent-ils au dossier médical de Mon espace santé ?
C.Vigier : Pour consulter le dossier médical de Mon espace santé, vous devez en informer le patient. Deuxièmement, vous devez vous identifier avec une carte CPS ou eCPS. Votre profession conditionne les informations auxquelles vous avez accès, selon la matrice d’habilitation définie avec les ordres professionnels respectifs. Pour accéder au dossier médical du patient, vous devez enfin avoir sa carte Vitale ou saisir ses traits d’identité, une procédure qui sera simplifiée par l’utilisation généralisée de l’application carte Vitale (ApCv). Le patient est au cœur du dispositif : il a toujours le choix de ne pas activer ou de clôturer son espace santé, et de masquer tout ou partie de ses documents aux professionnels de son choix.
X.Vitry : L’inscription imminente des préparateurs au Répertoire partagé des professionnels de santé (RPPS) leur ouvrira les mêmes droits d’accès qu’aux pharmaciens, sous le contrôle de leur titulaire. Elle permettra de suivre chaque connexion au dossier médical de façon individuelle et nominative. Il y a donc un enjeu de responsabilité des actes. Il va maintenant falloir adapter les “serrures” pour que cette clé permette effectivement aux préparateurs comme aux pharmaciens d’accéder aux informations du dossier médical directement depuis le logiciel métier.
Comment favorisez-vous le déploiement de Mon espace santé en ville ?
C.Vigier : Déjà plus de 42,5 millions de documents ont été envoyés aux patients dans Mon espace santé (hors SI-DEP), avec l’objectif d’atteindre 250 millions de documents par an d’ici à fin 2023. L’hôpital a pris une longueur d’avance mais la dynamique d’appropriation se développe fortement en ville, portée notamment par le déploiement des logiciels référencés Ségur et les efforts en cours des éditeurs pour fluidifier l’ergonomie. La DNS accompagne le déploiement sur deux axes : l’acculturation des usagers avec un enjeu fort autour de l’inclusion numérique par la mobilisation d’un réseau d’ambassadeurs sur le terrain, et le renforcement de la valeur du service avec l’arrivée de nouvelles applications et de l’agenda dès mi-2023. Nous allons également mener des actions d’information plus ciblées vers des populations spécifiques, comme les personnes atteintes de maladies chroniques.
Les pharmaciens ont un rôle important à jouer dans la sensibilisation des utilisateurs. Le premier moyen d’être les ambassadeurs de ce service est d’explorer eux-mêmes leur propre espace santé. Nous mettons aussi à leur disposition des outils d’information pour répondre aux questions des patients, en particulier sur la sécurité des données, un sujet prioritaire pour nous.
Quel est l’intérêt pour les pharmaciens d’utiliser l’Identité Nationale de Santé (INS) ?
X.Vitry : L’INS est la clé qui garantit que la bonne information est placée dans le dossier du bon patient. C’est primordial à l’heure où les barrières tombent entre la ville et l’hôpital et où les logiciels communiquent : il faut s’assurer que tout le monde coopère autour du même patient et la seule manière d’y parvenir, c’est l’INS. Demander au pharmacien de qualifier l’INS du patient ne relève pas du contrôle d’identité mais de l’identitovigilance. C’est une procédure à effectuer une seule fois, qui consiste à appeler le téléservice INSi de l’Assurance maladie, soit en insérant la carte Vitale, soit à partir des traits d’identité récupérés par le LGO. Il reste alors à comparer l’identité ainsi obtenue avec celle figurant sur la pièce d’identité du patient. Il s’agit du prérequis pour pouvoir déposer en toute confiance des documents dans le dossier médical du patient.
« L’enjeu est de faciliter la coordination et la prise de décision adaptée, en donnant un accès rapide à l’historique de soins, aux traitements en cours ou récents. »
Claire Vigier
*Logiciel SMART RX FES – 4.0 (Agrément 6b977ed8e5) : https://shorturl.at/BsHGb
Interview réalisé le jeudi 2 mars 2023. Restez attentifs au Smart Mag’ pour plus d’articles à venir autour du thème du Ségur du numérique… et d’autres sujets !
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